5 décembre 2016

Laminés 7-1, les Aigles ont été encouragés comme jamais par des fans ayant choisi l’ironie plutôt que les lazzis

 

Qui aime bien châtie bien. Confrontés à un spectacle indigeste, les supporters grenat ont choisi l’humour plutôt que le désamour. Une fois le match plié, une fois Robert Mayer remplacé et Johan Fransson blessé (lire encadré), le public des Vernets a chanté comme jamais. 5, 4, 3, 2, 1… Les simulations de décompte final se sont enchaînées, faisant monter les décibels de plus belle. Et le coup de gong final a été célébré par une belle bronca. Un peu comme si Ge/Servette venait de réaliser une performance majuscule…

 

Il fallait donc lever les yeux au ciel pour scruter le tableau d’affichage. Implacable mais même pas révélateur, ce 1-7 encaissé par les Aigles ne dit même pas la vacuité de la performance proposée par les hommes de Chris McSorley. Au rayon des satisfactions, il faudra juste mettre la belle énergie des plus jeunes (Massimino, Riat, Impose…) et le but de Cody Almond. Un chef-d’œuvre aussi beau que trompeur. Non, cette réussite égalisatrice n’allait pas être le présage d’une soirée de gala pour les Grenat.

 

Loeffel a eu honte

 

«Ce soir, je n’ai pas de mot, soupirait Romain Loeffel. Devant notre public, nous n’avons simplement pas le droit de jouer comme cela. C’est une honte. Difficile d’expliquer le pourquoi du comment. On pensait sincèrement avoir franchi un cap en gagnant vendredi à l’Ilfis de Langnau. Et puis non.»

 

Le défenseur grenat n’est pas du genre à se voiler la face. Quand rien ne va, il est toujours capable de se poser pour tenter d’autopsier une débandade. Son coéquipier Arnaud Jacquemet est fait du même bois. «Inqualifiable! Nous savions pourtant que Davos allait jouer un jeu très direct, dit-il. C’est sa marque de fabrique. Et que fait-on? Au lieu de bloquer l’axe de passe on se laisse piéger sans parvenir à se corriger en cours de route.» Dans la tempête, il est souvent très compliqué de changer de cap. «A un moment, on aurait pu en prendre quinze, reconnaît Jacquemet. Ce soir, on n’a pas patiné comme il le fallait. Moi le premier!»

 

Personne ne songerait à blâmer uniquement les défenseurs après un tel naufrage. C’est bien collectivement que le jeu grenat d’est délité lors d’une deuxième période cataclysmique. «C’est une honte, complète Romain Loeffel. On doit s’excuser auprès des gens qui ont payé leur place. Ils ne viennent pas pour ça.»

 

Pas sûr d’ailleurs que le message soit clairement passé auprès de la brigade nord-américaine des Aigles. A voir Nathan Gerbe filmer ces supporters moqueurs depuis sa tribune où il soigne son lumbago, on imagine bien que le petit Américain considère que tout va bien… Ces fans sont vraiment «amazing». «Mais tout ne va pas bien concède Arnaud Jacquemet. Ce soir, nous avions la possibilité de consolider notre place au-dessus de la barre. Or, là, notre position demeure fragile. Si on ne réagit pas très rapidement, on va vite regarder la barre de loin et du mauvais côté, en plus.»

 

Deux matches sont au programme de la semaine. Ce mardi à Lugano et vendredi avec la réception de Bienne. Et là, il n’est pas certain qu’un échec soit célébré avec autant de légèreté que contre Davos. A force, qui n’aime plus châtie mal…

 

Au tour de Fransson…

 

Et le suivant est… Johan Fransson. C’est sur l’action de la 23e minute, celle du 3-1 pour Davos, que le défenseur suédois a grimacé. Genou tordu, match terminé. Sur le coup de 22 h 15, Fransson a quitté la patinoire, sans cannes et sans boiter. Alors, plus de peur que mal? Chris McSorley joint ses mains et lève les yeux au ciel. «Je prie que ce ne soit pas trop grave. A priori, c’est une entorse. Il y aura des examens médicaux qui seront pratiqués lundi pour affiner le diagnostic. Si nous devions perdre Johan Fransson pour un moment, notre situation deviendrait très délicate, j’en conviens.» La perte du patron de la défense devrait forcément être compensée. Il faudrait alors espérer que la cellule technique de Vancouver trouve autre chose qu’un Travis Ehrhardt No 2. Oui, Chris McSorley doit donc prier très fort.

 

Nathan Gerbe (dos) est sur la voie de la guérison. Noah Rod sera de retour cette semaine. Floran Douay, lui, soigne toujours sa blessure aux vertèbres. Et Eliot Antonietti, qui a repris avec Ajoie, pourrait lui aussi réintégrer l’effectif des Aigles.

 

La soirée de hockey s’achève en convoi policier surréaliste (par Thierry Mertenat)

 

La rencontre contre Davos samedi soir a donné lieu à des débordements assez inédits. Réactions

 

Paroles d’entraîneur de hockey sur glace, samedi soir au point de presse d’après match: «La soirée n’a pas été compliquée uniquement sur la glace. Ce qui est arrivé ce soir ne devrait jamais se passer. Quelques personnes ont gâché la fête», commente Chris McSorley, le mentor des Grenat.

 

uelques? Et quelle fête? Double euphémisme. Près de 450 fans du HC Davos sont repartis, escortés par la police, à la manière d’un long convoi diplomatique s’étirant sur près de 500 mètres. Des fourgons à l’avant, des fourgons à l’arrière, feux prioritaires allumés, pendant que des motards figeaient la circulation. Scène assez inhabituelle en effet, au sortir d’un match de hockey de saison régulière.

 

Bande d’agitateurs

 

La faute aux supporters davosiens, pourtant sortis largement vainqueurs de leur confrontation contre Genève-Servette. Ils étaient arrivés par train spécial en fin d’après-midi à Cornavin, avant d’embarquer dans dix bus loués dans des entreprises locales pour les acheminer jusqu’à la patinoire. C’est là que les échauffourées ont commencé. Peu avant 18 h 30, une bande d’agitateurs s’est regroupée sur le giratoire de la rue François-Dussaud. Certains ont chargé la police présente, qui a répliqué en devant recourir à quatre reprises au spray au poivre.

 

Des renforts sont aussitôt demandés, ainsi qu’un appui sanitaire. Les ambulanciers improvisent un nid de blessés au pied de l’escalier menant à la tribune VIP. Dix impliqués sont pris en charge par l’équipe médicale. Ils s’affalent sur le sol et n’ont pas les yeux à suivre le puck sur la glace. Les ambulanciers trieurs sont au travail. Les contrôles effectués ne nécessitent pas un transport vers les urgences hospitalières. «Aucune interpellation n’a eu lieu», déclare leur porte-parole, Chloé Dethurens, précisant quand même qu’une plainte sera déposée par le transporteur car un individu s’est défoulé sur la carrosserie d’un bus et l’a endommagé.

 

A partir de là, la police est sur les dents, car elle prépare déjà le trajet du retour. Il sera plus bref qu’à l’aller, où des supporters ont quitté inopinément un car pour terminer leur parcours à pied en embarquant avec eux de la pyrotechnie. Le train spécial du retour dans les Grisons doit partir impérativement à 23 h 15, des travaux sur la ligne à Olten interdisant tout retard. A 22 h 40, le convoi sous escorte arrive sur l’esplanade de Cornavin. La police ferroviaire prend le relais. Les fans montent sans rechigner dans les huit wagons qui les attendent. Ils chantent, ils sont contents, ils ont gagné.

 

Genève, en revanche, a perdu deux fois: sur la glace et en heures supplémentaires. Tous services confondus, cette opération de maintien de l’ordre en mouvement a enquillé pas mal d’heures supplémentaires. La montée en puissance a été efficace et dissuasive, mais elle a son prix, surtout un jour de Course de l’Escalade.

 

La mine des perdants

 

Quant à savoir pourquoi la police n’était pas présente dès l’arrivée des supporters davosiens sur le sol genevois, la réponse vient de la cheffe de la police (lire ci-contre). Dans les faits, les débordements survenus étaient imprévisibles. Et somme toute confinés en un seul point. Les fans de l’équipe Grenat n’y ont rien vu. Il est vrai qu’ils ont pris l’habitude de perdre et de rentrer chez eux sans plus trop s’attarder aux abords de la patinoire.

 

Les seuls commentaires de la rue, au passage du convoi des dix cars, venaient de personnes qui ne suivent pas l’actualité sportive. Pour eux, au carrefour du pont Sous-Terre, puis plus loin sur le quai du Seujet, il devait s’agir d’un «convoi de migrants ramenés à la frontière». Une méprise bien dans son époque, la nôtre. Comme celle des gens qui, à la gare, ont cru à une alerte à la bombe en voyant les policiers dérouler les rubans de sécurité.

 

Monica Bonfanti: «Ce match n’était pas à risque»

 

La cheffe de la police genevoise, Monica Bonfanti, a évidemment été informée en temps réel des échauffourées survenues samedi soir aux abords de la patinoire. Elle livre ici son éclairage opérationnel sur cet événement.

 

Comment qualifier l’opération de maintien de l’ordre assurée ce week-end par la police?

 

Pour la seule journée de samedi, nous avions trois événements importants à traiter: la Course de l’Escalade, le match de football Servette-Winterthur à la Praille et le match de hockey Genève-Servette contre Davos aux Vernets. Ce qui nous a conduits à agir sur le principe de la bascule des forces. Le personnel dédié à un événement peut à tout moment être réengagé sur le secteur à problème. Les patrouilles qui forment notre socle sécuritaire se sont immédiatement rendues à la patinoire, ainsi que des renforts venus du centre-ville.

 

A quoi vos hommes ont-ils été confrontés?

 

A des supporters de l’équipe adverse qui refusaient le contrôle et voulaient éviter de passer à la fouille. Ils ont été repoussés. Nous allons organiser un débriefing au niveau de notre état-major. Une enquête sera diligentée par la brigade de renseignements et d’îlotage communautaire (BRIC), en charge notamment des violences dans le domaine sportif. Le prochain match contre Davos sera sous observation particulière.

 

La venue annoncée de 450 fans davosiens en train puis en cars à travers la ville ne posait-elle pas un problème en soi?

 

Non. Nous avions à régler une problématique de circulation. Ce qui a été fait. Un contingent de maintien de l’ordre était sur place. Ce match n’était pas classé rouge. Rien, en termes d’informations recueillies en amont, ne permettait de prévoir les débordements.

 

Quel est le coût, en heures de travail supplémentaires, d’une opération comme celle-là?

 

Il est trop tôt pour le chiffrer, sur la base du nombre de collaborateurs qui ont dû changer de mission en cours de service et ceux qui ont vu le leur se prolonger. Je dispose d’excellentes forces de police. Leur motivation est sans faille, surtout quand il s’agit d’assumer des tâches multiples sur un seul et même week-end. Des tâches, de surcroît, adaptées aux nouvelles formes de menaces. La sécurisation de l’Escalade par exemple, nécessitant la pose réfléchie de plots en béton, n’est plus du tout la même aujourd’hui qu’hier.