Les séries de playoffs contre Berne, on devrait connaître ça par cœur, puisque ce sera la sixième en quinze saisons. Passons donc en revue le passé avant d’examiner le présent, en espérant qu’il piquera un peu moins.
Pour leur toute première série de playoffs en LNA, ce sont bien sûr les Bernois qui sont offerts aux Genevois, histoire de les récompenser d’avoir à l’époque réalisé la meilleure saison régulière d’un néo-promu. Reto Pavoni ayant croisé le chemin de Thierry Paterlini quelque temps auparavant, c’est nul autre que David Bochy qui « garde » la cage genevoise avec Olivier Gigon comme remplaçant. Après 7 buts ramenés de ce qui s’appelait encore la BernArena, puis une défaite à domicile concédée malgré un but de Robin Breitbach, les espoirs semblaient s’être évanouis. Heureusement, on peut toujours compter sur Fribourg pour faire des bêtises, et Chris McSorley avait pu profiter du gigantesque bordel consécutif à l’affaire Abplanalp pour aller récupérer Gianluca Mona. Avec un vrai gardien, la série se rééquilibre. Un but de Gian-Marco Crameri en prolongation à Berne et une victoire à domicile plus loin, la série se retrouve à 2 partout. Comme cela allait devenir la tradition, dans le doute, le sort choisit Berne : Martin Steinegger inscrit le seul but à deux minutes de la fin d’un acte V ultra-tendu. La dernière partie tournera elle à la mi-match avec trois buts bernois en deux minutes.
La saison suivante, les deux équipes se retrouvent cette fois en demi-finale. C’est l’année des « Règles du jeu », avec Rolf Schräpfer qui ouvre le poignet d’Oleg Petrov et Chris McSorley qui transforme la porte du banc de la BernArena en instrument de percussion. Malheureusement, les Genevois ont laissé toutes leurs forces dans un quart qui est allé jusqu’à la limite face à Jean-Guy Trudel, Hnat Domenichelli et une quinzaine d’autres types en maillot bleu. À part un premier acte tendu, les victoires bernoises souffriront assez peu de contestation. Les Aigles parviendront juste à sauver l’honneur grâce à un hat-trick en powerplay de Benoît Pont (…).
Après une petite pause de trois ans, plantigrades et rapaces se retrouvent en quart de finale. Genève-Servette possède une équipe un peu bâtarde, ni vraiment bonne, ni vraiment mauvaise. On n’espère donc pas grand chose de cette série, et on a bien raison. Si l’équipe fait illusion et maintient les scores serrés, Berne passe finalement sans trop avoir à forcer son talent. On n’en retiendra tout juste la soudaine réapparition d’entre les morts de Kirby Law et Serge Aubin lors de l’acte IV pour éviter de rentrer bredouilles.
Encore trois ans plus tard, on se retrouve en finale. Vous vous souvenez de tout ça. Une série ultra-tendue, avec trois matches qui vont au-delà du temps réglementaire. Daniel Vukovic qui fait du petit bois de Caryl Neuenschwander. Le airhook de Thomas Déruns. Berne qui mène 3-1 dans la série et le speaker de la capitale qui demande avant le début de la prolongation aux spectateurs de ne pas envahir la glace pour la remise du trophée. Goran Bezina qui lui rabat son caquet. L’ambiance indescriptible pour l’acte VI. L’interminable attente avant la validation du but décisif de Daniel Rubin. Le but de Florian Conz au tout début du septième match. L’espoir de titre qui dure sept minutes. Étienne Froidevaux qui égalise de façon un peu heureuse et la partie qui bascule irrémédiablement. Est-il possible de passer plus près ? De perdre une série de façon plus cruelle ?
Et, bien sûr, la réponse est oui. Avec une précision de métronome, nous retrouvons les Nounours trois saisons plus tard, pour un quart de finale qui va tourner aux montagnes russes émotionnelles. Après une première victoire bernoise sans trop de souci, les Aigles réagissent et remportent trois matches serrés consécutifs, non sans avoir passablement joué avec le feu, notamment lorsqu’ils laissent les Ours revenir de 2-5 à 5-5 en un peu plus de trois minutes. Mais peu nous chaut, on mène 3-1. À deux minutes de la fin du cinquième match, alors que le score est de 1-1, Alexandre Picard part en break et ajuste le poteau. Berne gagne en prolongation. Dans l’acte VI, les Genevois mènent 3-1 avant une nouvelle fois de laisser leur adversaire revenir à hauteur. Puis dans la prolongation, il y a bien sûr ce tir de Mathieu Carle sur l’équerre qui hante tous vos cauchemars depuis. Berne gagnera aux pénos, la seule réussite étant l’œuvre de… Daniel Rubin. Assommés par le coup de bambou, les Genevois passeront à côté de la partie décisive.
Cinq ans après ce crève-cœur, nous voici donc à nouveau opposés aux gens de la capitale. Peut-on espérer enfin gagner la série ? Sur le papier, ça n’est pas spécialement engageant. Berne a dominé la saison comme rarement auparavant. Plus de deux points de moyenne par match, onze points d’avance sur le deuxième, meilleure attaque, meilleure défense, meilleur gardien, n’en jetez plus. De son côté, Genève-Servette a dû cravacher jusqu’au bout pour accrocher cette huitième place, avec une équipe souvent décimée et généralement décevante, sauf un passage miraculeux avant les fêtes. La défense a raisonnablement tenu au vu des absences, mais l’attaque est toujours aussi anémique. Et pour ne rien arranger, Robert Mayer est assez quelconque depuis son retour (prématuré ?) de blessure.
Du côté des unités spéciales, ce n’est pas mieux. Certes, en infériorité numérique au moins, les Ours ne sont pas premier (ils sont deuxièmes). Genève possède de son côté le 8e powerplay et le 10e box play. Il va falloir éviter de se faire sanctionner. Sauf que le souci, c’est que les Aigles sont largement l’équipe la plus pénalisée de la ligue, avec 767 minutes au total. (Lausanne 2e avec 630.) De son côté, on a visiblement affaire aux Bisounours, puisque notre adversaire n’a cumulé a peine plus que la moitié de notre score, avec 394 minutes, plus bas total de LNA. Oui, nous parlons bien de l’équipe de Thomas Rüfenacht et de Tristan Scherwey.
Faut-il pour autant abandonner tout espoir ? Bien sûr que non ! Comme on dit en Amérique du Nord, il y a une raison pour laquelle on joue quand même les matches. Et les Grenat ont toujours accroché Berne cette saison. Certes, c’était parfois dû à un peu de suffisance. Mais justement, si vous avez bien lu ce qui précède, les Ours se sont toujours distingués par leur instinct de tueur, par leur faculté à faire tourner les situations serrées. Ont-ils géré leur saison et sont-ils prêts à appuyer sur l’accélérateur quand il le faudra, ou cela indique-t-il au contraire une tendance à se regarder jouer ?
Et puis les playoffs, c’est une nouvelle saison qui commence.™
Et puis on va bien finir par les sortir une fois, ces Bernois, ou bien ?
Oui, je sais, c’est maigre, mais on se raccroche à ce qu’on peut. Et au pire, ma foi, on réessaiera dans cinq ans.