23 mars 2017

Chris McSorley, entraîneur des Aigles durant seize ans, est partiellement mis sur la touche. Les propriétaires canadiens du club affichent leurs ambitions

 

Durant seize ans, Chris McSorley a rêvé de gagner un titre avec Genève-Servette. Il l’a. Le voici propulsé «directeur sportif» du club. Un qualificatif ronflant qui peut à la fois tout et ne rien dire, mais qui ne lui permet toutefois pas de rejoindre le CP Berne ou le HC Davos au palmarès national. Pas encore? Seul l’avenir nous le dira. Le présent, lui, nous confirme donc qu’un énorme chapitre de l’histoire des Aigles se tourne, l’Ontarien aux deux finales de play-off et aux deux Coupes Spengler n’étant plus leur entraîneur. Le voici placé dans les bureaux. Ou dans un placard, c’est à voir, avec pour mission de superviser l’équipe première et de développer l’académie. «Cette réorganisation est le fruit d’un travail mûrement réfléchi, a tenu à préciser le président Hugh Quennec. C’est une évolution, pas une révolution. Le club est ainsi prêt à partir vers les sommets.»

 

Arrivé en 2001 à la bande des Vernets, celui qui soufflait mercredi ses 55 bougies n’a pas vraiment confirmé avoir choisi ce nouveau rôle, mais les silences d’une conférence de presse valent parfois mieux que de longs discours. Ou alors faut-il aussi savoir entendre les… sous-entendus. Rappelons en effet que depuis que le trio canadien composé de Mike Gillis, Lorne Henning et Peter Gall a mis un patin au GSHC l’été dernier, le rôle et l’impact de McSorley avaient été clairement réduits. Et la saison qui vient de s’achever par une décevante élimination en quart de finale des play-off a entériné le fait que le Genevois d’adoption n’était pas (plus) le coach idéal pour mener à bien le projet.

 

Il existe une feuille de route

 

Gillis, qui sait bien que l’homme n’a rien gagné en quinze saisons de LNA, l’a confirmé à demi-mot: «Notre équipe est formidable et c’est évidemment super d’avoir de bons joueurs, mais il faut un environnement permettant de gagner, une vraie culture de la gagne si on veut aller chercher un titre.» Comprenez qu’à ses yeux, ce Genève-Servette dans sa version peut-être désuète ne disposait pas de ces précieux éléments avec McSorley sur le bord de la glace. «Il faut un souffle nouveau, un vent de fraîcheur.»

 

Les analyses et entretiens menés la semaine dernière ont ainsi définitivement mis sur la touche celui que l’on baptisait le «Boss». Un surnom qui revient désormais à Mike Gillis, administrateur-délégué, qui s’est clairement positionné en véritable patron du club, mercredi. Bien que l’«émoticône» Quennec – souriant et impassible en toutes circonstances, même lorsqu’il se montre transparent sur les chiffres pour la première fois de son mandat – demeure le propriétaire du GSHC, l’ancien président et directeur général des Vancouver Canucks en détient dorénavant les pleins pouvoirs sur le plan sportif. Lui qui est en outre en train de racheter une partie de l’actionnariat à Hugh Quennec est chargé de tracer la nouvelle feuille de route. Car il en a une!

 

«Même si cela ne paraît pas toujours évident, nous avons effectivement un plan, martèle-t-il. Notre but est de pouvoir amener le club vers les sommets.» Et d’obtenir un jour une nouvelle patinoire, bien sûr. Si bâtir un nouveau lieu d’envol doit être une priorité pour les Aigles, ce dossier, placé entre les mains de Peter Gall, passe toutefois en second plan désormais, sachant que Goran Bezina et Cie ont impérativement besoin d’un entraîneur. «Mais surtout pas d’un Chris McSorley bis», insiste déjà… Chris McSorley.

 

Hugh Quennec se dit très clair

 

Censé participer à la recherche de son successeur à la bande avec pour leitmotiv de trouver un «gagneur» (lire ci-dessous), l’Ontarien ne se nourrira plus de l’adrénaline du coaching à l’avenir, mais cela ne l’empêche pas de continuer à espérer pouvoir goûter enfin à un titre. Y compris par procuration. «Les résultats obtenus jusqu’ici étaient très bons, mais somme toute pas suffisants, glisse-t-il. Et comme dans le sport, le statu quo, c’est la mort, il fallait changer. Je ne pouvais plus occuper la fonction d’entraîneur et de manager. Maintenant, les dirigeants nous garantissent des moyens pour parvenir à nos fins.» On ignore si cette musique d’avenir deviendra un tube, mais à en croire la paire Mike Gillis-Hugh Quennec, les changements officialisés en ce début de printemps permettront assurément de faire un jour résonner le Cé qu’è lainô tout en haut du hockey suisse.

 

«Dans cette ville, il y a tous les ingrédients pour réussir», répète le premier, qui promet de ne surtout pas réduire le budget et milite pour que le GSHC agisse désormais en toute transparence. «Je suis sensible à ce que la communauté dit de nous, mais je suis très clair sur mes intentions et je veux toujours faire quelque chose de spécial pour Genève, lâche le second, qui n’ignore pas que sa crédibilité est entamée. L’année écoulée a certes été quelque peu tourmentée, mais je crois que nous en sommes sortis. On doit pouvoir travailler dans un climat serein. Les gens peuvent être rassurés: nous partageons tous une même vision et une même ambition pour le club. La priorité reste de devenir champions de Suisse.»

 

Le rêve se poursuit. Avec un Chris McSorley en retrait et une armée mexicaine (canadienne) aux commandes. Un bataillon pour la gloire? C’est à voir, aussi.

 

Un virage pour le titre. Vraiment? (Éditorial)

 

En retirant à Chris McSorley sa casquette d’entraîneur de Genève-Servette, le président Hugh Quennec et ses acolytes canadiens ont définitivement propulsé leur club dans le plus grand virage de son histoire. Ce coup de pied dans la fourmilière, qui met un terme aux seize ans de «règne» de l’Ontarien à la bande, est censé ouvrir une nouvelle ère aux Vernets; celle menant à un titre national qui demeure pour l’heure une chimère. On ne jugera pas du potentiel que l’on donne à la réalisation de cette ambition ultime, mais le moment est arrivé de se demander si ce bouleversement des cartes n’est finalement pas le bienvenu.

 

Non, il n’est surtout pas ici question de remettre en cause tout ce que McSorley a apporté à un GSHC qui, sans lui, ne serait clairement pas là où il se trouve ce matin, mais peut-être que sa mise à l’écart de la glace constitue la meilleure opportunité qui soit pour enfin relancer des Aigles ayant, par moments, donné l’impression de s’essouffler, de s’encroûter. Et lui avec eux. Alors oui, il est toujours possible de se gausser de Hugh Quennec, de sa «communauté», de son «projet» et de sa «confiance», mais peut-être le président – qui court derrière sa crédibilité – a-t-il pour une fois pris le bon chemin. L’érection d’une nouvelle patinoire ne suffit parfois pas à «rafraîchir» un club!

 

Seulement, il faut que tout un monde aille au-delà des effets de manches et se montre en mesure d’écrire un autre sérieux chapitre de l’histoire. Genève-Servette doit profiter de cette révolution de palet pour enfin prendre un nouvel élan, se sortir des systèmes et schémas éculés de Chris McSorley pour proposer un visage plus spectaculaire. Il en va ici de son avenir, qui ne doit pas dépendre que d’un seul homme, car une organisation doit toujours être plus forte qu’une individualité.

 

Reste maintenant à souhaiter pour le GSHC que le virage pris mercredi ne soit pas, en réalité, le début du giratoire.

 

«Je n’interviendrai pas dans les choix de l’entraîneur» (par Virgulator)

 

Comme l’a lâché le désormais ex-coach des Vernets, avec un petit sourire (jaune) en coin et beaucoup d’autodérision, «le nouvel entraîneur de Ge/Servette ne sera pas une copie de Chris McSorley». Dorénavant directeur sportif, le Canadien a charge de dénicher, en compagnie de ses supérieurs, le nouvel homme fort qui se trouvera derrière le banc des Aigles. «Cela doit être quelqu’un de compétitif, qui doit partager nos objectifs, précise l’Ontarien. Nous voulons une personnalité de gagneur. Avec Mike Gillis et Lorne Henning, on va éplucher nos contacts.»

 

Selon Hugh Quennec, qui va surtout se concentrer sur le projet de la patinoire, il y aura forcément de nombreuses personnes intéressées par le poste, convaincues que ce club ambitieux est une bonne adresse. «On recherche un homme qui va dans le sens de notre évolution, qui soit passionné, motivé et motivant, adepte des technologies modernes utilisées dans d’autres clubs au niveau de la nutrition, de la condition physique ou psychologique, remarque le président. Mais c’est Chris qui va analyser les dossiers et en discuter au jour le jour avec Henning et Gillis. Nous prendrons ensuite une décision collective au moment où il ne restera que quelques candidats.»

 

L’heureux élu – qui ne sera pas forcément l’onéreux Bob Hartley ou une star en NHL – doit surtout être capable d’aller chercher un titre de champion! C’est ce qui a été reproché à l’entraîneur sortant. Qui alors? Harold Kreis? Champion avec Lugano et Zurich, actuellement en route pour le titre avec Zoug, il est en fin de contrat. Très proche de Chris McSorley, Doug Shedden, qui a été libéré par Lugano, est sur le marché. Mais le Canadien n’a jamais rien gagné. Gordie Dwyer, l’ex-coach de Goran Bezina et de Francis Paré à Medvescak Zagreb, actuellement à Ambri, est aussi une solution. A moins que le grand motivateur Kevin Schläpfer, à la recherche d’un emploi et d’un autre titre que «Hockeygott», ne convainque les dirigeants?

 

«Une fois qu’il sera derrière le banc, je n’interviendrai pas dans ses choix, promet Chris McSorley. Je ne lui mettrai aucune pression.» L’Ontarien se dit même soulagé par cette nouvelle. Pour lui, c’est, assure-t-il, «une opportunité d’avancer» et, pour ce club qu’il aime tant, «de franchir un nouveau cap». «On croit beaucoup en nos joueurs et en cette équipe», affirme Gillis. Ne reste plus qu’à trouver un nouveau McSorley…

 

«Sherkan» va donc rester… (par Virgulator)

 

Le fidèle Sherkan ne bat plus de l’aile. L’aigle emblématique des Grenat, qui était prêt à s’envoler définitivement si Chris McSorley quittait le club, rêve même désormais de découvrir un jour le Trèfle Blanc. Si, pour l’instant, le Département de l’instruction publique, de la culture et du sport du Canton refuse encore de communiquer sur ce dossier de la patinoire, Hugh Quennec reste, comme à son habitude, «très confiant» quant à la concrétisation de ce projet à 200 millions. «On est dans un processus de collaboration avec les autorités où la communication est restreinte entre nous, explique-t-il. J’espère qu’on va bientôt pouvoir dévoiler plus d’informations pour fixer une date précise concernant la réalisation de cette nouvelle enceinte. Après, avec les permis de construire et les autorisations, cela devrait prendre entre trois et quatre ans. En attendant cette opportunité d’effectuer un grand saut en avant, je vais me concentrer sur une possibilité de croissance aux Vernets.» D’ici là, le président est toujours résolu à ajouter un nouveau trophée à côté des deux Coupes Spengler. Or pour rivaliser avec Berne ou les Zurich Lions, cela passe par une augmentation du budget. C’est prévu. «Dans notre philosophie, ce n’est pas forcément les plus gros budgets qui gagnent un titre, sourit le président. Avec les joueurs que nous avons à disposition, nous avons les capacités de réaliser nos objectifs. On va toutefois engager un ou deux joueurs suisses de très haut niveau. Il y aura aussi des jeunes qui viendront amener leur enthousiasme.»

 

Après Sherkan, les sponsors semblent eux aussi bien partis pour rester fidèles au club. Avec McSorley…

 

A savoir encore

 

Le CA renforcé En attendant un ou deux joueurs de haut niveau, un Genevois va déjà renforcer le conseil d’administration. Il s’agit de François Bellanger, 53 ans, avocat et professeur à l’Université de Genève. Ce Français d’origine, qui a passé toute sa jeunesse dans la Cité de Calvin, va pouvoir apporter un regard extérieur et son expérience professionnelle dans une équipe comprenant déjà le président, Gillis, Franz Szolansky et Peter Gall. Un sixième membre devrait les rejoindre prochainement.

 

Coûts Mike Gillis assure que le trio canadien n’est pas rémunéré pour son rôle au sein du conseil d’administration. Seuls les frais de déplacement ont eu un coût.

 

Quid de Louis Matte? L’entraîneur adjoint de McSorley restera aux Vernets. «Il y a une évaluation à faire, mais il n’y a aucune raison qu’il parte», lance Gillis.