15 mars 2017

Les joueurs sont «auditionnés» dans l’hôtel genevois par Lorne Henning et Mike Gillis. Aux Vernets, personne n’est au courant

 

C’est au Mandarin Oriental, quai Turrettini, que ça se passe… A neuf francs le café, on peut bien poser son séant sur du pur cuir moelleux et avaler sans scrupule le petit sablé qui accompagne le petit noir. C’est dans ce cadre cosy, où Lorne Henning et Mike Gillis posent leurs valises lors de leurs passages à Genève, que se passe un drôle de manège depuis deux jours. Les portiers du palace genevois voient défiler les Aigles les uns après les autres.

 

L’idée est de faire un débriefing de la saison qui vient de s’achever. Une démarche tout à fait normale et saine, entreprise dans tous les clubs professionnels. Mais à Genève, on ne fait rien comme ailleurs. On se persuade que l’on fait mieux. Alors, on impose une double dose aux joueurs. Il y a le passage dans le bureau de Chris McSorley. En compagnie de Louis Matte, le manager dresse le bilan et fixe les objectifs de chacun.

 

Mais cette saison, ce n’est plus aux Vernets que tout se passe et se décide. C’est aussi, et surtout, dans les salons feutrés du palace que se dessine une partie du futur du club. Les joueurs y sont reçus et questionnés. Pour Mike Gillis, qui est peu présent à Genève en raison de ses multiples activités professionnelles, c’est également l’occasion de faire mieux connaissance avec les hockeyeurs.

 

Un audit complet

 

Nourriture, coaching, relations avec le coach, qualité des entraînements, performances personnelles, condition physique: chaque Aigle fait son strip-tease. Sur le coup de quinze heures, ce mardi, c’est Jonathan Mercier qui est enfoncé dans un canapé du lounge bar et qui livre ses informations aux deux Canadiens. La veille, Kevin Romy avait lui aussi passé l’examen oral. En bon routinier, il a trouvé la démarche légitime: «Avec eux, c’était un débriefing de la saison comme un autre.»

 

De dirigeants qui parlent à des joueurs, quoi de plus normal? Sauf que ce remue-ménage se fait sans que le staff en place ne soit au courant de la démarche, a-t-on appris. Contacté à travers son service de presse pour obtenir une confirmation de la tenue de ces réunions, le club n’a pas souhaité répondre.

 

Voilà qui ne manquera pas d’alimenter le débat. Cette attitude laisse-t-elle penser que les décideurs canadiens fourbissent leurs armes? Depuis la fin de saison, ce n’est plus un secret que d’affirmer que Chris McSorley est remis en question. Ces réunions «secrètes» ont-elles pour vocation de délier certaines langues pour mieux flinguer l’Ontarien? Romy élude la question: «Cette situation? On n’en sait pas plus que vous, que ce qui est écrit dans les journaux. Pas plus que d’autres personnes. Je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus. On n’a pas plus d’info sur ce qui se passe en coulisse. Moi, je suis les news à travers la Tribune de Genève

 

A vrai dire, le No 88 semble plutôt serein. Il balaie même certains échos de troubles qui auraient agité le vestiaire. Avec notamment un front anti-McSorley qui se serait constitué lors de cette fin de saison. «Non, pendant les play-off, le groupe était soudé. On est passé à côté et on s’est nous-mêmes battus. On n’a pas été archidominés.» D’ailleurs comment a-t-il perçu son coach pendant ces séries finales? L’a-t-il trouvé différent des années précédentes? «Non, je le connais bien il a toujours été fidèle à ses principes, avec sa ligne de conduite, fidèle à lui-même. Il n’était pas davantage passif que d’ordinaire. Il voulait toujours autant gagner.»

 

Plusieurs autres joueurs, ne souhaitant pas s’exprimer en leur nom, nous ont confirmé les dires de Kevin Romy au sujet du comportement de Chris McSorley. Ce n’est donc sans doute pas de ce côté-là que les nouveaux dirigeants des Aigles trouveront la petite faute imputable à un entraîneur qu’ils se refusent à soutenir publiquement depuis la fin de la saison.

 

En régression cette saison

 

En haut lieu, on parle d’une déception, d’objectifs qui n’ont pas été atteints, de ce titre qui ne vient pas. La manière entrevue en play-off a déplu. Le comportement des joueurs a été jugé inacceptable. Mais à qui en imputer la responsabilité? Il semblerait que Lorne Henning et Mike Gillis instruisent un procès à charge. Interrogé sur sa propre responsabilité, Henning préfère botter en touche. Au final, c’est le coach qui décide. S’il le dit…

 

Reste les faits et les chiffres. Hugh Quennec a engagé des hommes d’expérience. Des compatriotes qui ont fait leurs preuves en NHL avec plus ou moins de succès. Placés au-dessus de Chris McSorley ces hommes devaient permettre à l’équipe de progresser. Résultat des courses: après trois demi-finales consécutives, le Ge/Servette à la sauce NHL s’est planté en quart. Et si ce n’était pas aux joueurs ou aux entraîneurs de donner des explications?

 

Les salons du Mandarin n’attendent que vous, Messieurs Quennec, Henning et Gillis.

 

Pour ce fan aux VIP, «une page doit se tourner» (par Virgulator)

 

Il n’a pas signé cette pétition qui circule sur Facebook qui demande le départ de Hugh Quennec! Grand supporter des Grenat depuis 2008, Alain Pinguely, 52 ans, est l’une des quinze personnes qui ont contribué financièrement, entre autres, au retour de Goran Bezina aux Vernets. Mais aussi à l’arrivée de Francis Paré et, il y a douze mois à un come-back de Matthew Lombardi. Et plein d’autres renforts, encore, de Ge/Servette qui n’ont jamais figuré dans un budget. L’homme, passionné, a plutôt mal vécu cette saison gangrenée par une guerre de pouvoir qui, selon d’aucuns qui assurent être bien informés, se serait répercutée jusque dans le vestiaire. Alors que des joueurs qu’on a interrogés réfutent ces allégations, une rumeur laisse d’ailleurs entendre qu’une bonne partie de celui-ci ne supporterait plus le coach ontarien. «La question est de savoir si on peut aller jusqu’au titre avec lui, s’interroge cet inconditionnel des Grenat, donateur privé et sponsor par le biais de sa société. Chris McSorley est un grand bonhomme, qui sportivement a effectué du superboulot à Genève, mais pour moi une page doit se tourner. Les gens veulent du jeu et non des pucks balancés.»

 

Du coup, dans les tribunes, il balance! «Certains joueurs n’osaient même plus tirer de peur de se faire haranguer par Chris derrière, poursuit notre interlocuteur, qui cite Del Curto en exemple. L’entraîneur de Davos peut aussi se fâcher avec ses joueurs, mais également les prendre dans ses bras et les remettre en confiance.»

 

Ce qui a surtout gêné ce membre des places VIP cette saison, c’est le cas Kay Schweri. «C’est un grand talent, un chien fou, qui a de bonnes mains et une belle vision, mais à 19 ans on l’a brûlé sous prétexte qu’il n’a pas bien effectué son travail défensif, regrette ce fan des Canadiens de Montréal. Il aurait juste fallu lui laisser un peu de liberté au lieu de le brider. On a besoin de ce genre de joueurs pour exploiter les rebonds du gardien quand on balance le puck.» Il y a eu ensuite l’épisode avec Slater «choisi par Lorne Henning» et des décisions controversées qui ont éteint progressivement le coach derrière son banc.

 

Pour Alain Pinguely, ce combat d’ego, entre deux personnes qui ne se supportent plus, doit se régler au plus vite. Pour éviter que des joueurs refusent de venir aux Vernets dans ces conditions. Et, surtout, que la situation ne dégénère pas plus. «A mon avis, Hugues et Chris ensemble, c’est voué à l’échec, estime ce grand fan. A moins qu’ils ne se remettent autour d’une table.» A la discussion jaillit la lumière, dit-on! Ils pourraient se rencontrer au Mandarin, le cuir des fauteuils est moelleux…