Vous l'avez probablement lu dans la presse : lors de la dernière assemblée de la ligue, l'idée d'un plafond salarial dans le championnat suisse a été évoquée.
Il ne s'agit pour l'instant que d'une idée et aucun détail n'a été donné sur la manière de le mettre en place. Cette annonce en a surpris plus d'un et traduit un réel problème de surenchère salariale dans un pays où le montant des fiches de paye est souvent un tabou. Il faut croire que de plus en plus de clubs sont inquiets pour leurs finances face à cette fuite en avant des salaires. Et on les comprend !
Mais l'instauration d'un salary cap comme disent les adeptes des anglicismes est-elle une bonne solution pour lutter contre l'inflation des salaires ? Cela permet-il de préserver les finances des clubs et préserver une certaine équité sportive entre clubs riches et clubs démunis ? Si l'on regarde du côté de l’Amérique du nord, la réponse est plutôt positive.
Le plafond salarial de la NHL a le mérite de la simplicité dans son principe : on calcule les revenus de la ligue et on définit un plafond qui permet aux joueurs de toucher la moitié de cette somme, le reste allant dans les poches des propriétaires. Un planché est également fixé, ce qui oblige toutes les équipes à dépenser une somme minimale afin de garantir ce principe de 50-50. Aucune exception n'est autorisée, les équipe doivent donc planifier finement les contrats qu'ils accordent (ce qui n'est de loin pas toujours le cas).
Le résultat : alors qu'avant l'instauration du plafond la différence de masse salariale entre le club le plus dépensier et celui qui l'était le moins était de l'ordre de 400%, ce chiffre était d'à peine plus de 35% la saison passée ! Pas besoin de vous faire un dessin sur l'effet que ça peut avoir sur l'équilibrage des forces... Et même si les chiffres sont opaques par chez nous, vous vous doutez bien qu'on est bien loin de ce chiffre de 35%, et pas dans le bon sens.
Faut-il donc copier le modèle de la NHL ? Non ! A chaque ligue ses spécificités et ce qui marche pour la meilleure ligue du monde ne serait pas forcément optimal dans notre championnat. Car si le but final est le même, la réalité est fort différente. Lorsque l'on est la meilleure ligue du monde, on a moins besoin de faire les yeux doux pour attirer les meilleurs joueurs. Un plafond trop stricte et sans exception possible risque de priver le championnat suisse de la présence de certaines stars comme Auston Matthews cette saison. On a beau ne pas supporter les ZSC, il faut bien admettre qu'en tant qu'amateur de hockey on apprécie que ce genre de joueurs débarque en Suisse même pour une période éphémère.
Si plafond salarial il devait y avoir, la ligue serait bien inspirée de regarder ce qui se pratique en MLS. La ligue de soccer nord-américaine, tout en appliquant un plafond rigide, permet aux clubs d'avoir 3 joueurs avec une rémunération libre. Un dispositif assez malin qui permet à la fois de garder les salaires à un niveau acceptable et de recruter quelques stars comme Beckham ou Gerrard. Là encore, le modèle n'est pas applicable tel quel, mais le principe est intéressant.
Mais avant d'en définir le montant et les éventuelles exceptions, il faudra définir des règles très strictes sur ce qui est considéré comme un salaire. Car si une équipe signe un joueur pour 200'000.- par saison pendant 5 ans (donc de loin pas le salaire d'un gros nom) mais que derrière on lui offre une Porsche à 100'000.- et un appartement à 500'000.-, on augmente son salaire de manière indirecte de 60%. Sans une réglementation stricte et claire, tout plafonnement sera parfaitement inutile car trop facilement contournable.
C'est en prenant un certain recul sur tout ce qu'implique une telle règle pour qu'elle soit efficace qu'on réalise qu’on n’est pas prêt d'en voir la couleur dans notre championnat. Les intérêts sont trop disparates entre les différents clubs et doter la ligue d'un réel organe de contrôle ne se fera pas d'un claquement de doigts.
La seule réglementation que l'on peut imaginer voir arriver rapidement serait un plafonnement individuel du salaire pour chaque joueur (probablement que les suisses) en fonction de critères tels que : âge, saisons de LNA, titres, sélections etc. Une manière de toujours permettre aux grosses cylindrées d'engager les stars à la pelle en ne limitant qu'un peu les salaires à travers la ligue. Et encore, pour autant que les subterfuges évoqués précédemment ne puissent être utilisés. Car limiter réglementairement le salaire d'un défenseur de 3e ligne c'est un (modeste) bon début, mais si on peut en parallèle lui offrir une voiture de sport, l'effet est presque nul.
Sauf grosse surprise, il n'y a certainement pas grand-chose à espérer d'un plafonnement des salaires dans notre championnat, du moins dans l'immédiat. Ce n'est pas demain la veille que l'on verra Zürich ou Berne ne pas renouveler le contrat d'un joueur de premier plan à cause d'une limite de dépense. Le seul effet positif que l'on pourrait voir rapidement serait un regain d'assiduité pour l'équipe nationale de la part de certaines starlettes souvent trop fatiguées au printemps. Mais il y a fort à craindre que le statut d'international, donc le salaire qui va avec, puisse être acquis au simple prix de quelques matchs amicaux durant la Deutschland cup.
Un plafonnement salarial intelligent pourrait être une excellente chose pour le hockey helvétique en renforçant la santé financière des clubs et en les incitant à former des jeunes joueurs peu couteux. Mais une telle révolution ne se fera certainement pas du jour au lendemain, les intérêts des différents clubs sont trop discordants pour raisonnablement espérer une règle réellement contraignante et donc, efficace.