Article
Tony Vukovic, lun 18/09/2017 - 19:09

Pour beaucoup de fans qui n'ont pas le temps ou la motivation de faire beaucoup de déplacements à travers la Suisse, la retransmission TV sur Teleclub était une bonne manière de suivre son club de cœur depuis son canapé (et parfois d'en faire des résumés décalés).

 

Ça l'était jusqu'à ce qu'UPC rachète les droits TV pour le hockey suisse pour les 5 prochaines saisons. Désormais, pour voir du hockey, il faut s'abonner à MySports, une chaine disponible uniquement avec UPC.

 

"Normal" répondrez-vous peut-être, ou alors que ce n'est pas pire qu'avant. Mettons donc les choses au clair en faisant un point sur la situation et les conséquences pour les différents acteurs.

 

Jusqu'à la saison passée, les droits TV pour le hockey étaient détenus exclusivement par Teleclub, donc Swisscom. Pour accéder au contenu, il fallait soit être abonné Swisscom, soit faire partie des fournisseurs d'accès partenaires (ceux qui ont conclu un accord avec Swisscom pour accéder à Teleclub). Teleclub a entrepris de rendre son contenu le plus accessible en ne restreignant pas les fournisseurs concernés, le raccordement ou autre.

 

Cependant, il a abusé de sa position dominante, comme l'a statué la Commission de la concurrence. Il a notamment empêché la diffusion en direct sur certaines plateformes et il était très compliqué d'accéder à l'offre sportive avec les câblo-opérateurs (dont UPC ou Naxoo) car il fallait passer par un bouquet Teleclub que ces opérateurs refusaient.

 

Swisscom a donc été condamné à payer 72 millions de francs d'amende pour cet abus.

 

De l'autre côté, UPC qui voit partir ses clients vers le géant bleu depuis quelques temps, joue la carte du hockey (et du sport en général) à la TV à fond pour tenter de reprendre de la clientèle à son adversaire.

 

Il a racheté les droits à la Swiss Hockey League pour 32 millions de francs par an (contre 12 pour le précédent contrat) pour les 5 saisons à venir soit jusqu'en 2022-2023. Il est aussi devenu sponsor de la nouvelle "super première ligue", une sorte de Ligue C appelée désormais MySports League.

 

Cependant, pour avoir accès à MySports, il faut donc être chez UPC (ou un autre câblo-opérateur dont par exemple Naxoo) mais pour cela il faut le câble, là où Teleclub passait par internet. UPC a beau être moins cher que Swisscom dans ses offres, le raccordement au câble est pour le moins dispendieux, encore plus dans les régions reculées.

 

Les fans de hockey qui ne sont pas chez UPC doivent donc estimer combien vaut leur passion à leurs yeux pour décider s'ils vendent leur rein ou s'ils se privent de hockey pour les 5 prochaines années. Et on ne parle même pas des zones où le câble ne passe carrément pas ; donc là-bas, la question ne se pose pas.

 

UPC est donc dans la même situation de dominance que l'était Swisscom, avec l'accès au câble qui s'ajoute dans les facteurs limitant l'accès. Pour le moment la COMCO n'a pris aucune sanction prévisionnelle mais l'enquête continue et il va falloir qu'UPC donne accès aux autres fournisseurs s'il ne veut pas passer à la caisse aussi.

 

Pour UPC le coup de poker devrait leur rapporter car même si une sanction tombe, le nombre de nouveaux clients fans de hockey qui s'abonnent pour les 5 prochaines années devrait compenser.

 

Pour Swisscom c'est évidemment une défaite, d'autant plus que le hockey était un de leurs arguments de vente pour le bouquet Teleclub. C'est d'ailleurs la même chose pour le football, lui aussi racheté en partie par MySports. Il ne va certainement pas lâcher le dossier en argumentant que le principe de concurrence est floué vu que les consommateurs n'ayant pas le câble sont complètement mis de côté.

 

Que peut-on faire alors ?

 

Le dossier est encore assez récent, les décisions de la COMCO datent de juillet, mais avec Swisscom qui monte au créneau, les consommateurs de Teleclub peuvent espérer voir un peu de hockey avant dans 5 ans.

 

Il y a deux espoirs, soit UPC voudra éviter la sanction et va rendre quelques matchs de hockey accessible sans le câble, soit la COMCO, sous l'impulsion de Swisscom, va obliger MySports à être disponible pour tous (mais surtout Swisscom).

 

Il reste cependant une interrogation sur l'intérêt de la ligue pour cette vente. S'il est compréhensible qu'une brouette de plus de 30 millions de francs ait agréablement chatouillé la rétine des décisionnaires, cette décision vient un peu à contre-courant de la stratégie de popularisation du hockey qu'elle semblait avoir.

 

En effet, alors que l'équipe de Suisse ne fait que faiblement vendre, que les pauses des équipes nationales sont perçues comme des pauses tout court et que même pour les championnats du monde, le public peine à s'emballer, ce n'est pas en restreignant l'accès à ce sport que les gens s'y intéresseront.

 

Avec la quasi disparition des matchs à la SSR, le public occasionnel ne suit déjà plus grand-chose mais là, seuls les passionnés seront prêt à changer de fournisseur voir même à déménager dans un endroit câblé. Il est probable qu'une vente des droits (pour moins cher évidemment) à Swisscom et UPC aurait permis une audience élargie, plus d'intéressés pour ce sport donc probablement plus de licenciés, de fans qui viennent aux matchs ou qui suivent l'équipe nationale.

 

Même si cette stratégie me semble être intéressante qu'à court terme, je ne me fais pas de soucis concernant les calculs de la ligue pour remplir ses caisses, il devait être plus intéressant de plonger dans les pièces plutôt que de populariser notre sport.

 

En bref, espérons que la COMCO sanctionne cette mise à l'écart de tous les "non-câblables" ou fasse suffisamment peur à UPC pour que ce dernier nous fasse la grâce de voir du hockey avant les 2 matchs de quart de playoffs retransmis sur la RTS.

 

En attendant, c'est l'occasion de plus se déplacer ou de se rassembler au McSorley autour d'une bière…