Grégoire Sylvain a bien travaillé ces derniers temps, il a notamment sauvé un patient d'une terrible écharde dans le doigt à Zoug quelques temps auparavant. Il considère donc qu'il mérite du repos.
Lors de sa garde de mardi soir, il a notamment préféré regarder l'intégrale des Harry Potter plutôt que de faire son travail et d'aider ses collègues. Ce soir, rebelote, il est de garde et la motivation n'habite clairement pas son corps.
Dès 19h, il sent une attaque de paupière venir et ne fait pas grand-chose pour la retenir. Il évite de se coucher sur un matelas ou un lit mais sans plus. Il fait bonne figure pour la visite du soir mais ne fait pas plus que le strict minimum. Une fois terminée, il retourne dans son bureau et tente d'être productif en faisant son travail administratif.
Malheureusement, il ne trouve pas ses dossiers, s'emmêle dans ses tâches et parvient même à débrancher par erreur son bip. Ce qui lui fait manquer une première alerte et lui vaut une première réprimande de son chef.
Aussi réveillé qu'une vache sous sédatif, il tente de réparer son erreur et essaye de se remettre au travail. Cependant, sa motivation dure un maximum de 12 secondes avant que son esprit reparte. Il n'entend pas qu'on l'appelle dans le couloir et quand son chef revient l'engueuler, il se dit que ça devrait le réveiller.
Sans trop savoir comment, en allant chercher un café, il tombe sur un patient qui s'étouffe et lui vient en aide. C'est maladroit, hasardeux mais le patient le remercie. "Bon allez, on y va là ! Ça va aller mieux maintenant." Se dit-il, croyant qu'il lui suffit de se concentrer 5 minutes pour tout rattraper.
La suite lui donne presque raison quand il est à son affaire pour la première fois de la soirée. Il répond à son téléphone, prend en charge l'urgence à la clé et gère le patient avec brio. Ses collègues pensent l'avoir enfin réveillé et qu'il sera au niveau pour le reste de la nuit.
Malheureusement, non. C'est le début de la fin. Se croyant plus beau qu'il ne l'est, il se reposa littéralement sur ses lauriers et s'endormit pour de bon. Aucune espèce de réaction lorsque son interne vint le prévenir d'une nouvelle urgence. Aucune énergie n'est présente dans son corps. Il reste léthargique malgré les deux cas suivant, où chaque fois ses collègues viennent le secouer pour qu'il retourne à son poste. Comme un immense ballon qui se dégonfle, rien ne réveille le Genevois qui ronfle.
La fierté et l'orgueil passé n'y feront rien. Ce soir, Grégoire ne fera rien correctement. Il tentera vaguement de se rattraper pendant 10 minutes en fin de nuit mais la messe est dite. Il arrive trop tard, la réanimation ne suffit plus. Il voit donc un de ses patients mourir d'une maladie tout à fait guérissable s'il avait été là à temps.
Il se promit alors qu'il allait se mettre un sacré coup de fouet pour que cela n'arrive plus. Cela ne tombe pas trop mal, la nuit qui arrive, il aura une heure de plus de sommeil. Il en aura bien besoin.
Pas de bière pour lui, mais 2L de café afin de se désincarcérer les phalanges du Kohlrausch.
Santé !