C’est un fait peu mentionné quand on évoque les multiples incohérences du calendrier. Alors que nous avons tout juste terminé le premier mois de compétition dans une année sans pause olympique, Genève-Servette a déjà disputé le quart de sa saison régulière. De quoi se demander si, sachant que plusieurs équipes ne disposaient pas de leur patinoire en début de championnat, il n’aurait pas été plus malin de mieux répartir les matches pour tout le monde plutôt que de condamner les autres aux cadences infernales avec pour résultat un classement complètement boiteux. Quoi qu'il en soit, c’est l’occasion de se pencher sur l’équipe pour tirer un premier bilan et essayer d’imaginer ce qui nous attend lors des cinq mois et demi qui nous séparent de la phase finale.
Le jeu
Alléluïa ! C’est donc ça, le hockey ? On a le droit de faire trois passes à une touche consécutives ? On n’est pas obligé d’attendre que tout le monde soit arrêté à la ligne bleue adverse pour tenter une relance ?
Les habitués de ce site savent que l’idée de cracher sur Chris McSorley et ce qu’il a fait pour notre club est très éloignée de nous. C’est grâce à lui que notre club s’est établi en LNA, et il a su tirer un parti incroyable de contingents parfois extrêmement limités. (Je vous rappelle que nous avons notamment atteint deux finales avec Robin Breitbach et Sebastian Schilt en défense.) C’était incontestablement l’entraîneur qu’il nous fallait lors de ces premières saisons critiques. Hélas, le prix à payer pour les amoureux du hockey aura été un jeu aussi moche et prévisible qu'une analyse de Frédy Bobillier. (Mais heureusement plus efficace.)
C'est donc un véritable bonheur pour ces mêmes esthètes de voir leur équipe enfin verticaliser, tenter des relances rapides (et propres), chercher à trouver des joueurs dans le slot ou voir enfin les défenseurs participer activement à l'attaque, quitte à les retrouver sur un break ou faisant un appel devant le but.
Certes, mais il n'y a pas de notes artistiques
Si le plaisir des yeux est présent, l'efficacité n'est malheureusement pas encore au rendez-vous en termes d'emprise sur le jeu. Pour s'en convaincre, faisons un tour sur NL Ice Data et examinons les statistiques autour des tirs non contrés (cadrés ou non). Cette mesure est connue sous le nom de Fenwick quand elle se limite aux situations à 5 contre 5. Il n'est hélas pas encore possible d'isoler cela en Suisse. Les valeurs comprennent donc toutes les situations, ce qui n'est certes pas idéal. Mais on fait avec ce qu'on a.
Et ce qui saute aux yeux, c'est l'impotence relative de l'attaque. Avec seulement 37,13 tirs non contrés par 60 minutes, Genève-Servette a le bonnet d'âne de la Ligue. Seul Rapperswil pointe aussi sous les 40. La défense semble un peu plus à son avantage, contrairement à l'impression visuelle. Certes, avec 43,94 tirs subis par 60 minutes, elle ne pointe qu'au 8e rang. Mais personne ne s'attendait à ce qu'elle figure parmi les meilleures du pays. Et ce d'autant moins qu'elle a longtemps été privée de son meilleur élément.
Avons-nous pour autant tort de trouver que la défense flotte ? Pas vraiment quand on regarde d'où viennent les tirs. Une critique du Fenwick vient justement du fait qu'il met tout sur le même plan. Si on regarde cela plus en détail, on remarque que les Aigles laissent peu de tirs depuis la périphérie. La plus grande partie vient du slot. Vous vous en doutez, ce n'est pas une bonne nouvelle.
Revenons un instant à nos statistiques de tirs pour en faire la synthèse : avec seulement 45,8% des tirs non contrés en sa faveur, notre équipe est de très loin l'équipe qui subit le plus. Son poursuivant le proche, Rappi, encore lui, peut en effet compter sur un pourcentage de 48,19. La différence est significative. Il faut probablement y voir une conséquence à la fois de la jeunesse de l'effectif, de l'absence de certains cadres (Henrik Tömmernes, Tanner Richard) et une adaptation au nouveau style de jeu. Reste que des ajustements devront être apportés, car si la réussite a heureusement compensé en ce début de saison, l'expérience montre que ce genre de valeurs annonce des lendemains difficiles.
Les gardiens
Du côté des performances, il n'y a rien à redire. Robert Mayer est sur la lancée de ses playoffs et Gauthier Descloux fait un début de saison brillant comme il en a l'habitude. Derrière une équipe qui passe trop de temps dans sa zone, cette solidité devant le but aura joué un énorme rôle dans le bon bilan comptable des Aigles. Jusqu'à parfois carrément contribuer à voler un match, comme à Lugano.
Il existe pourtant des interrogations dans deux domaines. Tout d'abord celui de la durabilité. Le regain de forme de Robert Mayer signifie-t-il que ses soucis des saisons dernières étaient bien dus à son accident de quad et ses suites ? Ou n'est-ce qu'une embellie passagère au milieu d'un déclin. La réponse à ces questions sera capitale, puisque son contrat expire à la fin de cette saison, et qu'il faudra assez rapidement décider si on le garde ou non, et à quel prix.
Une décision sur laquelle pèseront aussi les performances de Gauthier Descloux. S'il veut passer une étape, il lui faudra démontrer qu'il est capable de tenir le rôle de numéro 1 sur toute une saison. L'historique jusque-là ne plaide pas pour lui. Après des débuts d'exercices généralement excellents, ses statistiques ont tendance à s'étioler avec l'accumulation des matches pour revenir à un niveau passable. Cette régression se vérifiera-t-elle encore ? Ou saura-t-il profiter du timing parfait pour connaître un déclic ?
La réponse à cette question viendra peut-être de la gestion du duo par le staff. Notre championnat aime faire jouer les équipes deux soirs de suite. Or on sait, études à l'appui, que le niveau de performance des joueurs souffre de cette répétition. Si aucune équipe ne peut se permettre de faire significativement tourner ses joueurs de champ, c'est beaucoup plus facile avec les gardiens, dont on nous répète volontiers qu'il s'agit du poste le plus important au hockey. Or Genève-Servette possède le luxe de pouvoir compter sur deux gardiens de niveau équivalent. Les Grenat peuvent donc se permettre d'aligner un dernier rempart frais le deuxième soir sans perte théorique de performance. Pourtant, cette possibilité n'a pour le moment été utilisée que deux fois sur cinq possibles. Et lors des trois matches ou le gardien avait joué la veille, les Genevois ont encaissé 4, 6 et 6 buts. L'échantillon est bien sûr faible pour le moment, mais il sera intéressant de surveiller si on persiste à se priver d'un des rares avantages de l'effectif genevois, et si oui, quelle influence cela aura sur leur niveau de jeu au fil de la compétition.
Les mômes
C'était un des buts, probablement même LE but de la saison. Reconstruire un effectif en confiant des responsabilités à des jeunes. De ce point de vue, on est dans les temps. Comme prévu, le niveau est irrégulier. Simon Le Coultre est étincelant en phase offensive et a parfaitement remplacé Tömmernes sur la première brigade de powerplay. Dans sa zone, par contre, c'est beaucoup plus approximatif. Deniss Smirnovs est parti en trombe mais a ensuite connu des matches plus discrets, et ainsi de suite. Tous ces joueurs montrent de très belles choses (on citera encore Guillaume Maillard et Roger Karrer parmi les plus en vue) et aucun n'a déçu au point d'être renvoyé temporairement à ses études. Bref, pour le moment, le plan se déroule sans accroc.
Quo vadis ?
Avant le début de la saison, il était clair que l'exercice s'annonçait difficile pour Genève-Servette et qu'il faudrait un alignement de circonstances favorables pour pouvoir espérer mieux. C'est un peu ce qui s'est produit sur les premiers matches. On reconnaîtra donc le mérite aux Aigles d'avoir su en profiter pour emmagasiner un maximum de points. Car cette réussite était forcément temporaire. Depuis 6 matches, l'équipe est clairement entrée dans le dur. Maintenant commence une phase très intéressante. Comment le staff réagira-t-il ? Quels ajustements seront apportés ? Les adversaires s'adapteront à notre nouveau jeu et des grosses cylindrées doivent encore monter en puissance. La tendance actuelle pointe vers une fin de saison difficile. Mais ces 13 premiers matches auront montré que l'effectif dispose de ressources qui, si elles sont bien exploitées, peuvent permettre de connaître une saison tranquille à défaut d'être glorieuse. Pour cela, on attendra sans doute les suivantes.