18 février 2016

Ken Stickney, nouveau propriétaire du LHC, était président du conseil d’administration de Kloten. L’Américain est arrivé en Suisse grâce à ses connexions genevoises.

 

La reprise du club de Malley, actée officiellement hier, semble prendre ses racines il y a bien longtemps déjà. Dans le cadre d’une rencontre avec «Le Matin Dimanche», Hugh Quennec a nié avoir été impliqué, en 2015, dans le rachat des Kloten Flyers. Mais le président de GE Servette a toutefois laconiquement lâché: «Pas moi personnellement, je pense que Chris McSorley connaissait des gens.» Ces gens? Bob Strumm, Ken Stickney et Doug Piper. Ce n’est ainsi pas vraiment un hasard de retrouver le nom de l’un des trois hommes à la tête du Lausanne HC, aujourd’hui. Il se murmure même que ce cercle d’influence aurait manifesté son intérêt dans l’acquisition des Rapperswil-Jona Lakers, dans une volonté d’expansion. L’arrivée de Stickney à Lausanne n’en devient que plus limpide.

 

Mais comment l’homme fort de GE Servette peut-il avoir le bras aussi long? C’est bien connu, le coach ontarien possède un carnet d’adresses intarissable.

 

Sacrée confiance

 

Lorsqu’il se voit promu entraîneur du Thunder de Las Vegas, en 1995, l’actuel entraîneur des Aigles travaillait sous les ordres de… Ken Stickney, alors propriétaire de l’équipe évoluant en IHL. Trois ans après son arrivée dans le Nevada, Chris McSorley est passé tout proche d’un licenciement avant que le même Stickney ne change d’avis. «Il m’a fait une sacrée confiance en ne me licenciant pas», avait remarqué l’actuel coach du GSHC, au Las Vegas Sun. L’amitié entre les deux hommes vient-elle de cette époque tumultueuse? «Ce sont surtout Bob Strumm, alors manager général du club, et Chris McSorley qui étaient de bons amis», précise Pat Lefebvre, ancien joueur du Las Vegas de «l’ère» McSorley. Aujourd’hui, Bob Strumm n’est autre que l’un des membres du triumvirat nord-américain qui a repris les Kloten Flyers en 2015. «C’est un petit milieu», se marre Lefebvre, qui dirige désormais Asiago, en Italie. Celui qui a joué au Thunder de Las Vegas depuis sa création, en 1993, à sa «mort», en 1998, n’a, étonnamment, que rarement eu des contacts avec Ken Stickney. L’homme d’affaires, ainsi que son père, Hank, étaient pourtant propriétaires du club durant toutes ces années. «La façon dont les joueurs étaient traités était incroyable, se souvient Lefebvre. On jouait dans une ligue modeste, mais c’est comme si nous étions des joueurs de NHL.»

 

Pas pour l’argent

 

Impliqué dans l’environnement du club, Ken Stickney, par contre, n’a que rarement mis son nez dans les affaires du staff technique. «S’il avait quelque chose à dire, il n’hésitait pas, poursuit le Montréalais. Mais nous ne l’avons quasi jamais vu dans le vestiaire. Il était très respectueux des joueurs et de leur intimité. J’appréciais cet aspect.» La discrétion semble le poursuivre, puisque son nom – et ses photos – sont denrée rare, tout comme ses interventions dans les médias.

 

Avant, pendant et après l’aventure à Las Vegas, Ken Stickney a multiplié les achats et ventes d’équipes sportives. Au début des années 1990, au moment de l’acquisition de trois formations mineures de baseball, Ken Stickney avouait au Los Angeles Times qu’il ne faisait pas cela pour l’argent. «Il y a de bien meilleurs moyens d’investir son argent. Pour moi, c’est un hobby. Un investissement pour mes enfants.» En 2008, en tant que président d’Avenir Sport Entertainment, il prend une part active au redressement des Portland Winterhawks, en WHL. Son but à long terme? Amener une franchise de NHL dans l’Oregon avec le soutien du multimilliardaire Paul Allen (Microsoft). Un plan qu’il n’a jamais pu mettre à exécution. Avant son départ à Kloten, en 2015. 

 

Leuba : "On a évité une catastrophe"

 

Le conseiller d’Etat a participé aux nombreuses discussions qui ont mené à la reprise du Lausanne HC. Ken Stickney a gagné la confiance des Vaudois.
 

 

Il y a un mois, Philippe Leuba s’était engagé à faire en sorte que cette situation trouve un épilogue convenable. C’est désormais chose faite même si, au final, Hugh Quennec a pu vendre à qui bon lui semblait.

 

Monsieur Leuba, que s’est-il passé durant ce dernier mois?

 

La situation avec Hugh Quennec actif dans les deux clubs était devenue intenable. Il y a eu un travail considérable d’effectué avec des dizaines de séances. Le but final était d’éviter une situation similaire à ce qu’ont vécu les Neuchâtelois et les Genevois avec les faillites de Xamax et du Servette dans des enceintes toutes neuves. Les communes vont investir des montants considérables dans la nouvelle patinoire et ce n’était pas envisageable de ne pas avoir de club dans l’élite.

 

On vous imagine forcément soulagé qu’une issue ait été trouvée dans les temps.

 

Il n’y avait de toute façon pas le choix. Mais je suis content que cette saga trouve son épilogue. Ce qui me plaît, c’est que cela donne des perspectives d’avenir pour le LHC. Ken Stickney a d’ailleurs déjà confirmé le conseil d’administration à son poste. La Ligue a également confirmé la reprise. C’est un signal fort. Il y a de quoi avoir confiance.

 

Vous parlez de confiance, mais quelles garanties avez-vous obtenues?

 

Nous aurions pu rester les bras croisés et attendre. Nous avons choisi de ne pas le faire! Nous avons obtenu le plus de garanties possibles. Après, je n’ai pas pu me rendre en Californie pour mener des auditions afin d’en savoir plus sur M. Stickney. Sacha Weibel, qui est un homme qui connaît bien ce milieu du hockey, a d’excellents contacts avec lui. Les autres personnes qui l’ont également rencontré – Patrick de Preux ou Chris Wolf notamment – ne tarissent pas d’éloges sur lui. Au bout du compte, nous n’avons pas pu choisir ce repreneur. Mais le fait que la Ligue ait accepté la proposition qui lui a été faite compte beaucoup.

 

Qu’il soit l’ancien président du conseil d’administration d’un autre club de LNA ne vous dérange pas?

 

Non. Il s’est retiré de toutes ses fonctions au sein des Kloten Flyers. Ce qui m’aurait dérangé, cela aurait été de vivre une catastrophe. Je ne sais pas si vous vous souvenez de la situation dans laquelle se trouvait le club il y a un mois, mais Lausanne risquait des sanctions. Ce n’est plus d’actualité et c’est bien là le plus important, aujourd’hui.»

 

Le "HC copains" étend son pouvoir (Par Patrick Oberli)

 

Elle n’est pas belle, la vie? Hier, Hugh Quennec a tenu sa promesse. Il n’est plus propriétaire de la majorité du capital du Lausanne HC. Certes, il a attendu le dernier moment, mais il l’a fait. Désormais, il ne s’occupera que de GE Servette. Promis, juré! Pour le bien du hockey, de ses fans et de la communauté.

 

Ce jeudi, donc, tout le monde a de quoi être content. Swiss Ice Hockey, parce que son tout nouveau règlement est respecté. Le LHC, parce que le repreneur a, pour l’instant, le projet de continuer avec les dirigeants actuels. Les autorités vaudoises, parce que pour «vendre» une nouvelle patinoire, il vaut mieux avoir un locataire. Et les fans genevois, parce que désormais ils n’auront plus l’impression de trahir le «père propriétaire» en détestant les Lions. Ce serait donc la fin du feuilleton? Pas vraiment. Car la transaction montre plutôt que, en matière de montage financier, les hommes d’affaires ont toujours une longueur d’avance sur les règlements.

 

Résumons. Le nouveau boss de Malley s’appelle Ken Stickney. Pour les initiés, l’Américain est le président du conseil d’administration de la SA des Kloten Flyers depuis le printemps dernier. Le commun des mortels, lui, ne savait même pas qu’il existait. A Kloten, Ken Stickney n’est pas actionnaire. Ce ne sera donc pas un «Quennec» bis. De plus, il a démissionné de ses fonctions zurichoises. Tant mieux. Car on a de la peine à imaginer le directeur du Credit Suisse racheter UBS, tout en restant à son poste…

 

S’il rachète le LHC, c’est que Ken Stickney possède certains moyens. Personnels, ou appartenant à un tiers? Telle sera la question. Car c’est là qu’apparaît l’ombre du milliardaire William M. Gallacher, un autre Américain dit «Bill», qui a fait fortune en rachetant et vendant des sociétés dans le secteur pétrolier. Son empire, regroupé dans Avenir Consolidated Corporation, comprend une branche sportive, Avenir Sports Entertainment LLC (ASE), qu’il a confiée à son bras droit: Ken Stickney. C’est d’ailleurs cette société fille qui détient les Kloten Flyers.

 

Vous suivez? Tant mieux, car ce n’est pas tout. L’histoire montre aussi que Ken Stickney a été le manager de Chris McSorley dans les années 1990 (lire en pages 34-35), quelque part aux Etats-Unis. Sans parler du fait qu’ASE avait été «tuyautée» depuis les bords du Léman, sur les opportunités du championnat de LNA. Lisez: «les clubs suisses à la recherche d’un repreneur».

 

La morale de l’histoire? C’est peut-être qu’il n’y en a pas. Ou alors que le hockey suisse est rentable. Assez pour que, derrière la ferveur des gradins et sur le dos de l’amour des clubs, les businessmen du «HC copains» slaloment entre les règlements pour ne pas être accusés frontalement de conflits d’intérêt. Hugh Quennec a tenu sa promesse. Elle n’est pas belle, la vie?