Le contexte entourant la demi-finale entre GE Servette et Lugano, qui débute demain aux Vernets, est moins explosif que celui des séries de 2014 et de 2015.
Evoquer une entente cordiale entre GE Servette et Lugano correspond, à ce stade naissant d’une troisième intrigue restant à écrire, à la réalité. Par rapport à 2014 et à 2015, l’atmosphère entourant ce duel sur la route menant au titre est moins toxique.
A la base de ce dégel des relations, un coup de fil entre le directeur sportif tessinois, Roland Habisreutinger, et le patron du GSHC, Chris McSorley. L’échange a eu lieu en début de semaine. Les deux hommes en ont profité pour mettre certaines choses à plat.
Paraît-il que la discussion, vive dans un premier temps, fut constructive ensuite. «J’ai certainement parlé avec Roland de ce qui s’est passé ces deux dernières années, mais, pour moi, c’est désormais sans importance, confirme l’Ontarien. Ce qui l’est, c’est que nos clubs en décousent sur la glace uniquement. En dehors, on essaiera de se faciliter la vie mutuellement.» Durant les campagnes précédentes, ce ne fut pas le cas.
«Jardin d’enfants»
Signe le plus frappant de l’apaisement: les deux organisations ont fait preuve de bonne volonté pour permettre à l’adversaire de s’échauffer sur la glace adverse les jours de match. Cela offrira la possibilité aux équipes d’entreprendre un long voyage le jour précédent l’effort et de dormir sur place. Tant en 2014 qu’en 2015, de tels arrangements n’avaient jamais été possibles.
Autre année, autres mœurs? Roland Habisreutinger trouve la notion de dégel incongrue. «Pour la simple et bonne raison que nos relations n’ont jamais été gelées, estime-t-il. De mon côté, à ce stade de la saison, il est plus facile de trouver un créneau horaire où la glace est inoccupée à Lugano. Et, du côté de Genève, le fait que le Salon de l’auto est terminé nous permet de trouver plus aisément des chambres d’hôtel pour y dormir la veille des matches.»
Si Chris McSorley refuse d’entrer dans les détails d’un passé «digne du jardin d’enfants», dit-il quand même, il confirme que du temps de glace sera déniché pour permettre à Lugano de patiner aux Vernets le jour des matches. «Notre patinoire leur est ouverte, raconte-t-il. En accord avec le Service des sports de la ville, on va leur donner la glace dont ils auront besoin. Quant à Roland, il m’a promis de nous rendre la pareille à Lugano.»
Guerres verbales et en vidéos
L’arrivée de Doug Shedden, un ami du patron des Vernets, à la tête des «bianconeri» n’est pas étrangère à la fin de l’ère glaciaire entre les parties. Quand Patrick Fischer officiait à la bande luganaise, il était évident qu’il ne portait guère son homologue servettien dans son cœur. L’actuel sélectionneur de l’équipe de Suisse avait d’ailleurs déclaré, au terme de l’acte III du quart de finale de 2014: «McSorley a pleurniché comme un gamin après le dernier match. Il s’est plaint de tout et de rien. Le pire, c’est que cela a fonctionné. Ce soir, les arbitres n’ont rien sifflé.»
Cette saillie faisait suite à un duel au terme duquel l’Ontarien avait dégainé en premier. Il avait entre autres estimé que le staff médical de Lugano avait fait des miracles sur la glace de la Resega et que des snipers étaient cachés dans les gradins. Dans ce registre verbal où l’Ontarien excelle, Patrick Fischer n’a jamais pu régater. Cela n’a pas contribué à réchauffer les relations entre les deux clubs, qui s’étaient livrés, en 2015, à une guerre des vidéos envoyées au juge unique.
Ces tensions sont désormais aplanies. Jusqu’à quand?
Menace nordique sur Genève (par Grégory Beaud)
Le trio Pettersson, Klasen, Martensson tire Lugano vers l’avant depuis un changement d’entraîneur qu’il a provoqué. Le GSHC devra de nouveau trouver une parade face aux individualités luganaises.
Souvent, lorsqu’une équipe ne voit pas le bout du tunnel, la théorie des «joueurs qui jouent contre l’entraîneur» refait surface. Il est tout de même rare qu’une telle hypothèse tienne la route lorsqu’elle est confrontée à une réalité pragmatique. Pourtant, à Lugano – là où le facteur émotionnel a plus d’impact que partout ailleurs –, cette idée pourtant saugrenue semble avoir influencé la saison des «bianconeri».
Ainsi, le 22 octobre dernier, le cours de la saison du HC Lugano a changé avec le licenciement de Patrick Fischer. Accompagné vers la porte de sortie de la Resega, le technicien n’a pas su gérer les susceptibilités et les ego des uns et des autres, dans un vestiaire devenu totalement incontrôlable. En tête de la fronde: Linus Klasen. En guerre ouverte contre son entraîneur d’alors, le génial maître à jouer a emmené dans son sillage ses compatriotes Tony Martensson et Fredrik Pettersson. En donnant les clés de la maison à des joueurs de cette envergure et avec une telle emprise sur le jeu, les dirigeants luganais savaient qu’ils devraient les contenter afin que l’exercice 2015-2016 soit un succès.
Départ raté
Candidat autoproclamé au titre national, le club tessinois avait vécu un début de saison pathétique avec cinq victoires et dix défaites, rendant inévitable l’éviction de Patrick Fischer. Sans la moindre surprise, au plus fort de la crise, l’énergie des Martensson, Klasen et Pettersson était mise ailleurs que sur la glace. C’est surtout dans les coulisses qu’ils ont «travaillé fort», afin de précipiter la chute du jeune coach devenu sélectionneur national depuis. Avec 26 points en 50 matches à eux trois, les Scandinaves ont entamé la saison avec un rendement indigne de leur talent et des espoirs placés en eux. «C’est évident qu’ils n’ont pas envie de jouer», nous confiait à l’époque un proche du club.
L’envie est revenue presque par enchantement le 23 octobre. Depuis, les Suédois forment l’une des lignes les plus performantes de LNA. Klasen (6 assists), Pettersson (5 assists) et Martensson (3 buts, 1 passe décisive) ont dynamité Zoug. «Ces trois sont parmi les plus compétents de la Ligue et, en plus, ils évoluent ensemble, assène Chris McSorley. Ils peuvent vous «tuer» dans toutes les situations. A cinq contre cinq, en power play ou en box play.»
Grâce à la création de ce trio, Doug Shedden a donné du coffre à une équipe luganaise où le talent avait tendance à être parfois dilué. Conséquence de cette modification? La deuxième ligne offensive composée de Damien Brunner, Grégory Hofmann et Alessio Bertaggia explose. Avec deux buts chacun contre Zoug en quart de finale, les attaquants à croix blanche ont terminé le travail entamé par les étrangers. «Ils ont un contingent très profond, enchaîne le coach. C’est comme s’ils n’avaient pas de quatrième bloc. Toutes les triplettes sont dangereuses.»
Le soulagement ne s’est visiblement pas arrêté aux trois attaquants suédois. Après avoir accepté oralement une offre de Bienne, Clarence Kparghai a retourné sa veste. Date de sa prolongation de trois ans? Cinq novembre. Julian Walker avait également dit qu’il quitterait la Resega si rien ne changeait. Trois semaines après l’arrivée de Shedden, l’attaquant paraphait une entente de trois ans.
C’est donc face à une équipe dans une spirale résolument positive que GE Servette devra batailler. Une formation qui a bien convenu aux Aigles lors des deux dernières saisons. Deux opérations commando menées à merveille. La recette? Gonfler les muscles. Contre des joueurs plus techniques que physiques, le coach ontarien avait tapé juste. Et cette année? La donne sera différente tant l’équipe s’est bonifiée et musclée. Un constat corroboré par l’homme fort des Vernets: «Cette année, on ne pourra pas uniquement être attentifs à une seule ligne.»