8 mars 2016

La charge du capitaine fribourgeois sur Daniel Rubin était correcte. Ainsi en a décidé le préposéà la sécurité des joueurs.

 

Stéphane Auger a tranché. Le préposé à la sécurité des joueurs de la Ligue nationale – ou player safety officer, PSO – a estimé que la charge administrée par Julien Sprunger sur Daniel Rubin, samedi lors de l’acte II des quarts de finale des play-off, était correcte.

 

Sa décision a été communiquée aux clubs concernés via un courriel transmis tôt lundi matin par l’un des responsables du département arbitrage de la Ligue nationale. Ce fonctionnaire a fait suivre la prise de position de l’ancien arbitre de NHL. Elle contient cinq points explicatifs sur lesquels débouche Stéphane Auger après son analyse de la scène incriminée (lire ci-contre), agrémentés par deux captures d’écran de mauvaise qualité et les formules de politesses d’usage.

 

L’auteur de l’envoi conclut: «En prenant le coup, nous savons que Rubin a été gravement blessé, écrit ce responsable du département arbitrage. Nous profitons de l’opportunité pour souhaiter à Daniel un rapide et prompt rétablissement.»

 

La Fédération se justifie

 

Fait étonnant: la Swiss Ice Hockey Federation a jugé bon de publier, hier à 13 h 34, un communiqué de presse expliquant la prise de position de Stéphane Auger. Elle écrit notamment qu’il est «d’intérêt général de rendre publique l’analyse du PSO dans le cas présent». Sans doute pour tenter de calmer des esprits, qui, des deux côtés de la Sarine, avaient quasi unanimement condamné le capitaine fribourgeois après une scène violente, qui s’est terminée par l’évacuation sur une civière de l’attaquant de GE Servette – il souffre d’une triple fracture de la pommette nécessitant une intervention chirurgicale.

 

Ces efforts de transparence entrepris par la Fédération font une belle jambe à GE Servette. Plutôt que de se révolter publiquement contre une analyse en ayant surpris plus d’un, Chris McSorley préfère jouer l’apaisement – au fond de lui, il n’en pense certainement pas moins.

 

Chris McSorley prudent

 

«Nous respectons la décision du PSO, même si nous avons le sentiment que c’est le fruit d’une application différente du règlement en vigueur cette saison, a sobrement commenté l’Ontarien après l’entraînement d’hier matin. Nous sommes surpris. Mais, à la fin, nous avons quand même gagné deux matches avec Sprunger dans l’alignement d’en face. En tout cas, cela est cohérent avec le comportement des arbitres, qui n’ont pas jugé bon de siffler ne serait-ce qu’une pénalité de deux minutes suite à cette action.»

 

Cette dernière phrase est évidemment à lire avec de l’ironie plein la bouche et les yeux de Chris McSorley, détectable sans peine. Quand on lui demande si un traitement de faveur particulier sera réservé par ses protégés à Julien Sprunger, le boss des Vernets répond avec prudence: «Mes joueurs ont encore en tête les images de ce qui s’est passé durant la 33e minute du match de samedi.»

 

Le capitaine de FR Gottéron peut s’attendre à un accueil spécial de la part du public et des joueurs des Vernets. Interrogé sur cette perspective, Gerd Zenhäusern répond: «Il y aura certainement des sifflets. Julien a l’habitude, à lui de gérer ça.»

 

On insiste: Julien Sprunger ne va-t-il pas déguster au contact d’adversaires qui ne le ménageront sans doute pas? «Je n’alignerai pas des gardes du corps pour entourer Julien, commente l’entraîneur fribourgeois. Je ne m’occupe pas de ça. J’essaie de trouver des solutions pour gagner un match dans cette série, pas pour contrer d’éventuelles actions revanchardes.»

 

La sanction, c'est de jouer (par Cyrill Pasche)

 

La Suisse du hockey n’avait sans doute jamais été à ce point unanime concernant une mise en échec: de très triste pour Daniel Rubin – salement amoché pour le coup – à scandalisée et écœurée, voire grenat de rage. Oui, tout le monde, pour une fois, était d’accord: la charge de Julien Sprunger, contre la tête d’un adversaire vulnérable, était grossière. Même lui a dû se dire que c’était moche. D’ailleurs, il s’est éteint samedi après la sortie sur civière du Genevois, et on ne devrait pas davantage le voir ce soir aux Vernets. Sprunger est un grand sensible.

 

Mais, puisque le procureur Stéphane Auger a estimé que cette charge n’était pas fautive – et on part du principe que l’ancien arbitre de NHL est de bonne foi –, alors il faut saluer le geste du capitaine fribourgeois. On n’invente rien, tout est documenté (ne manquaient que les félicitations et les vœux de prompt rétablissement): épaule à corps, aucun contact avec la tête ni élévation, coude et bras le long du corps. La perfection. A enseigner dans toutes les écoles, vraiment. Tout l’inverse, en fin de compte, des charges de Jeremy Wick (au hasard), qui lui saute et lève le coude à chaque bodycheck (Daniel Bang et d’autres commotionnés pourraient témoigner s’ils étaient encore en pleine possession de leurs moyens). Mais ne nous égarons pas. La Ligue suisse de hockey, qui vient d’ailleurs de faire de la protection des arbitres son cheval de bataille (11 matches de suspension pour Marco Maurer), vient de placer la barre très haut. Il n’est pas donné à tout le monde de maîtriser l’art de la mise en échec aussi bien que Sprunger.

 

Reste que le monde du hockey, malgré les apparences, est juste: le capitaine des Fribourgeois sera livré à la vindicte populaire ce soir aux Vernets. La «marche de la honte». Sprunger nu. Comme Cersei dans les rues de Port-Réal, durant 60 minutes cette fois-ci au lieu de dix, davantage même avec un peu de chance. Oui, c’est cela, la vraie sanction. Venez nombreux! Mais n’oubliez pas une chose: s’il méritait aux yeux de tous une lourde peine, il n’y est vraiment pour rien si quelqu’un d’autre a estimé que sa charge était parfaite.