L’ambiance entourant le club de hockey pensionnaire des Vernets est explosive.
Depuis des mois, Chris McSorley n’est plus maître et seigneur aux Vernets. Cela s’est vérifié pas plus tard que vendredi. Le jour précédent l’acte IV d’un quart de finale perdu contre Zoug (4-0 dans la série), l’Ontarien a été convoqué par le conseil d’administration. À cette occasion, on lui a reproché, entre autres, son comportement envers les arbitres, l’indiscipline de son équipe trop souvent pénalisée et la médiocrité du power play développé depuis le début des play-off.
Même s’il y a des vérités là derrière, il existe d’autres moments qu’avant un match couperet pour les rappeler à son coach. D’autant plus quand il s’appelle Chris McSorley (lire en pages 36 et 37).
Voilà peut-être le point culminant d’une crise larvée de longue durée entre les dirigeants du GSHC et un homme n’étant plus qu’un simple employé du club. Cette condition précaire est certes liée à un contrat en béton armé, mais elle ne protège pas le technicien d’une mise à l’écart définitive. Hier, le vice-président du conseil d’administration, Mike Gillis, n’a d’ailleurs pas écarté cette option dans nos colonnes.
Hugh Quennec sous tutelle
Si le foyer allumé depuis plusieurs mois dans le bureau de McSorley est de plus en plus virulent, un autre a pris le 2 février dans ceux du club. Dans un communiqué conjoint envoyé par la Ville de Genève et le Département de l’instruction publique, de la culture et du sport (DIP), les collectivités publiques annonçaient la nomination d’un administrateur chargé d’une mission particulière: mettre le nez dans le fonctionnement et les comptes de l’Association Genève Futur Hockey (AGFH) pour voir comment l’entité chargée de la relève du hockey genevois gère les fonds publics injectés – 495 000 francs du canton et 500 000 francs de la ville chaque année. Une entité chapeautée par Hugh Quennec. Certains n’ont pas hésité à estimer que le président était désormais mis sous tutelle par la Ville et l’État.
Le nom de l’administrateur chargé d’ausculter la gestion de l’AGFH n’est pas connu. Mais son officialisation est à bout touchant, nous ont affirmé le DIP et la Ville hier. Trouvera-t-il à redire dans la manière dont est gérée une association donnant, c’est à souligner, satisfaction au niveau des résultats sportifs enregistrés? Si ce n’est pas le cas, il y aura un incendie de moins à gérer.
Les clubs de soutien se méfient
Car il y a une autre cheminée qui crache beaucoup de fumée. Celle alimentée à coups de centaines de milliers de francs par les deux principaux clubs de soutien de l’organisation. Alarmés par les bruits de couloir qui annonçaient de gros problèmes financiers, ils avaient demandé et obtenu une entrevue à Hugh Quennec dans le courant du mois de janvier. But: recevoir diverses explications de sa part sur les points inquiétant une partie des membres. Les réponses fournies lors de cet échange avaient plus ou moins rassuré. Mais…
D’après nos informations, une nouvelle rencontre a eu lieu il y a une dizaine de jours dans le cadre d’une «conférence d’avant-play-off». Des tentatives d’éclaircissement de la position administrative et sportive du club avaient alors été fournies, avant que ne survienne l’élimination sans gloire en play-off. Elle a relancé les questions de plus belle. Au point que cela laisse les clubs de soutien perplexes sur l’avenir en général et les prises de position de la direction quant à l’apport et à l’arrivée des Canadiens en particulier. Certains y voient une politique du fait accompli, déjà observée quand l’ancien directeur général Christophe Stucki avait été mis à la porte.
Cette méfiance de certains bailleurs de fonds, se transformant petit à petit en défiance, vient s’ajouter à la cote de popularité de Hugh Quennec, en chute libre. Elle avait déjà été écornée suite à la relégation administrative du Servette FC en 2015. Elle n’est pas à la hausse au terme de cette saison ratée, en témoigne aussi la baisse marquée du nombre de spectateurs enregistrés en moyenne par match durant la saison régulière (–421).
Oui, l’incendie fait rage aux Vernets.
Nouvelle patinoire: on vérifie
A la miseptembre, Hugh Quennec présentait aux autorités genevoises les investisseurs prêts à injecter les dizaines de millions de francs nécessaires à la construction d’une nouvelle patinoire au TrèfleBlanc. Il disait espérer que tout soit prêt en 2020. Six mois plus tard, le dossier avance, mais à une vitesse laissant à penser que cette échéance paraît irréaliste. On nous a confirmé hier que, depuis cette rencontre, les collectivités publiques étaient toujours au stade d’une «procédure de vérification des investisseurs présentés». Une procédure que les autorités espèrent fructueuse, puisque cette infrastructure répondrait à un vrai besoin. Mais, comme on nous l’a aussi confié, on est encore loin d’un premier coup de pioche. Question: les personnes qu’a réussi à fédérer Hugh Quennec se montreront-elles patientes dans un dossier où la «procédure de vérification des investisseurs présentés», l’une des multiples marches à franchir avant l’intervention de la première pelle mécanique, a tendance à s’éterniser?
Ce que Genève peut perdre (par Cyrill Pasche)
Chris McSorley n’est plus intouchable. L’Ontarien pourrait être évincé de GE Servette prochainement.
Chris McSorley (54 ans) a-t-il dirigé samedi dernier aux Vernets son dernier match à la tête de GE Servette? L’élimination sans gloire (4-0 face à Zoug) au stade des quarts de finale pourrait être le prétexte tant attendu par Hugh Quennec et ses associés pour actionner le siège éjectable de l’entraîneur ontarien, fragilisé et isolé depuis l’arrivée en juin dernier de Mike Gillis au poste de vice-président et du «conseiller technique» Lorne Henning. Au bénéfice d’un contrat de longue durée de plus de dix ans et d’une indemnité de départ à sept chiffres, McSorley a, semble-t-il, assuré ses arrières. Mais tout porte à croire que Quennec ne reculera devant rien pour évincer son ancien partenaire d’affaires, avec qui il a engagé un bras de fer depuis l’affaire du Lausanne HC en décembre 2015. Dès cette semaine, staff et joueurs sont convoqués pour les interviews de fin de saison. McSorley, qui a rappelé samedi soir qu’il est la meilleure personne pour endosser le rôle d’entraîneur de GE Servette, devra préparer sa défense et rendre des comptes à Quennec, Gillis et Henning. Aura-t-il droit à un «procès» équitable?
Il a donné un style aux Aigles
SUCCESS STORY Neuf participations aux playoff au cours des dix dernières années, dont deux finales (2008, 2010) et trois demi-finales (2014, 2015, 2016). Depuis le retour des Aigles en LNA (20022003), soit quinze saisons, GE Servette n’a manqué les playoff qu’à deux reprises sous la houlette de l’Ontarien: en 2006 et 2012. Chris McSorley a donné un style à GE Servette et inculqué la culture de la gagne à un club qu’il a construit à son image depuis son arrivée à Genève en 2001. Installé à la tête de GE Servette par le groupe américain Anschutz, il décroche le titre de LNB puis la promotion en LNA dès sa première saison sur le banc de l’équipe. Le reste fait partie de l’histoire. GE Servette est devenu la formation de Suisse romande la plus régulière des quinze dernières années et surtout la plus proche de décrocher un premier titre romand depuis La Chaux-de-Fonds (1973) et Bienne (1983). Mais aussi le club des Vernets est devenu l’une des meilleures adresses du pays au niveau de la formation. Ces dernières années, plusieurs joueurs formés (ou partiellement formés) au club ont percé en LNA.
Il est le visage de GE Servette
PERSONNAGE La question que tout le monde se pose: le départ de Chris McSorley signifieraitil la fin du hockey à Genève? Gil Montandon, dimanche sur le plateau de la RTS, a rappelé que «les cimetières sont remplis de gens irremplaçables». Mais l’image de Chris McSorley et celle de GE Servette semblent indissociables. Un peu comme le FC Sion et celle de son président Christian Constantin. L’entraîneur des Aigles, grâce à sa personnalité et à son côté caricatural (notamment à ses débuts dans la Ligue lorsqu’il se posait souvent en victime), a permis à GE Servette d’acquérir une visibilité à l’échelle nationale. Le Canadien, pour tout ce qu’il représente tant à Genève qu’au niveau du hockey suisse, a même réussi à susciter l’intérêt très marqué des médias alémaniques. «Lui, c’est un vrai personnage, au point de devenir presque une mascotte pour GE Servette», expliquait le dessinateur vaudois et créateur des «Mini People» Christophe Bertschy dans «Le Matin Dimanche ». Le hockey aurait-il encore un avenir à Genève sans McSorley? Sans doute que oui. Mais dans quelles conditions?
Il a ressuscité le hockey genevois
ÉVÉNEMENT Chris McSorley est parti de rien, ou presque, lorsqu’il a racheté le club avec Hugh Quennec après le retrait du groupe Anschutz en 2005. L’Ontarien a commencé par fidéliser un public clairsemé à ses débuts, avant de faire de chaque match du GSHC un événement en soi à Genève, un marché historiquement difficile pour les clubs sportifs. «Avant, le dress code c’était denim (jeans). Désormais, les gens viennent aux Vernets en tenue de sortie », nous avait-il glissé du temps où il était encore le seul maître à bord. Aujourd’hui, un départ forcé de Chris McSorley aurait forcément de nombreuses conséquences négatives pour le club de GE Servette, notamment sur le plan financier, même s’il est impossible de quantifier les pertes hypothétiques. Reste que la question se pose: combien de personnes influentes, à Genève, se sentent liées au club par la simple présence de l’Ontarien? Et combien de donateurs, de sponsors, de VIP en tout genre et même de simples spectateurs couperaient les ponts avec Hugh Quennec et ses associés si Chris McSorley venait à être brusquement écarté?
Il a su se faire respecter
TAPER DU POING Même s’il a souvent payé le prix fort (un nombre incalculable d’amendes), Chris McSorley a finalement réussi à se faire entendre auprès de la Ligue suisse. Ignoré, parfois moqué à ses débuts en LNA, GE Servette, par l’entremise de l’Ontarien et en jouant des coudes, est devenu une organisation espectée outre-Sarine. «Pour un club romand, il n’était pas évident d’être pris au sérieux. Il a fallu taper du poing et se faire entendre », nous avait-il expliqué un jour. En guerre ouverte avec l’ancien juge unique Reto Steinmann durant de nombreuses années, McSorley a usé de son influence grandissante au sein du hockey suisse pour renverser le système en place et remporter le bras de fer face à son ancien ennemi juré. Poussé vers la sortie, Steinmann a jeté l’éponge à la fin de l’exercice 2015/2016. De «vilain petit canard» du hockey suisse, Chris McSorley a réussi à suffisamment polir son image au point de s’inviter deux années de suite (2013 et 2014) sur les hauteurs de Davos avec tout le gratin du hockey helvétique. Et son équipe, à chaque fois, a remporté la compétition!