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Goran McKim, mar 09/12/2014 - 17:15

Lugano-Ambri est régulièrement cité comme étant le plus gros derby de Suisse, sans rapport avec GSHC-Lausanne. Qu’en est-il ?

 

Le but n’est pas de vous ressasser encore une fois tout ce qu’on pense de Lausanne et de ce que sont devenus nos matchs contre eux. J’ai simplement assisté, à 3 jours d’intervalle, au match contre Lausanne aux Vernets ainsi qu’au derby tessinois à la Valascia. L’occasion était donc toute trouvée pour comparer la manière dont sont vécus ces deux derbys.

 

Tout d’abord, premier truc qui me frappe (même si je n’avais pas attendu samedi pour m’en rendre compte), tout le monde ou presque porte une écharpe, un pull, un bonnet, un béret ou que sais-je aux couleurs d’Ambri. Quand tu te retrouves dans le bistrot à 500m de la patinoire, tu sais où les gens se rendent. Bon ok tu me diras, qu’est-ce que tu veux faire d’autre que d’aller à la patinoire quand t’es à Ambri ? Il n’empêche que c’est flagrant et que je vous défie de vous rendre dans les bistrots situés à 500m des Vernets 2h avant le match et de trouver grand monde de grenat vêtu. Bon après, faut aussi dire que Ambri vend du matos – quel choix et quelle qualité dans le design ! - à son public…

 

Une demi-heure avant le match, personne aux abords de la Valascia. Et pour cause tous les occupants des places debout sont déjà à « l’intérieur » (quiconque a déjà mis les pieds à la Valascia comprendre l’importance des guillemets). Les gens sont entassés dans le Curva Sud et autant dire qu’en cas d’envie pressante ou de grosse soif, rien ne garantit de retrouver sa place. A l’inverse, à une demi-heure du match de jeudi contre Lausanne, le parterre Nord commençait gentiment à se garnir. A noter quand même que la Valascia n’était pas pleine, ce qui est une grosse surprise.

 

Deuxième constat : lorsque je tourne la tête sur ma droite, je découvre un parcage visiteurs plein. Et à moins que je ne me sois mal renseigné, aucune de ces personnes n’a du se soustraire à un contrôle d’identité et à une photo à l’entrée. Aucun n’a dû fournir de justificatif de travail ou de domicile hors de Lugano pour pouvoir se procurer une place en parcage. Enfin, ceux qui auront eu envie de se faire une journée shopping à Ambri (ben quoi ?) auront sans autre pu accéder au parcage sans être venu en car. Dingue non ? On parle pourtant là de ce qui est peut-être la rivalité la plus exacerbée du hockey suisse.

 

Cette rivalité, on la ressent dès les premiers instants dans la patinoire. Les insultes fusent, la composition de l’équipe luganaise est copieusement sifflée, avec des mentions particulières pour Sannitz, Chiesa et notre copain Walker. Après avoir vu ce dernier insulter un Marti blessé la veille, j’avoue avoir usé de mon plus bel italien pour lui faire part de mon affection. Est-ce que ce sont les insultes qui rendent un derby plus intense qu’un autre ? Non. Elles font néanmoins partie, quoiqu’on en dise, de toutes les rivalités du monde du sport. Le but ici n’est pas d’encourager les gens à insulter tout le monde, mais on est quand même à des années lumières du derby passionné lorsqu’on voit des gens aux Vernets (et je vous promets en avoir vu !) applaudir les joueurs lausannois à leur entrée sur la glace.

 

Alors bien sûr, la différence c’est qu’entre Lugano et Ambri, on n’a pas la moitié des joueurs qui sont allés filer un coup de main à l’autre ou qui se sont fait jeter de l’un pour aller chez l’autre, parfois avec une escale. Forcément, ça aide. Il est plus facile de détester un joueur qui nous emmerde depuis des années que d’en faire de même avec certains qui n’étaient pas loin d’être des idoles il y a encore peu.

 

Entre les joueurs, pas de cadeau non plus. On assiste clairement à un derby : pas un niveau génial, mais de l’intensité, des charges des coups de putes, des débuts de bagarre et des mots doux. Alors que l’on commence gentiment à retrouver tout ce beau mélange lors de nos matchs contre Lausanne, on sent bien qu’entre les deux Tessinois, il y des vieux comptes à régler, à commencer par ce bon vieux Sannitz à qui tout le monde souhaite mettre un poing dans la tronche.

 

De par le déboulement du match (intensité et score), le public léventin est chaud bouillant, même si moins bruyant qu’espéré. Et ce n’est pas faire injure au public des Vernets de dire que l’on est très loin d’être aussi réactifs et chauds. On sent clairement le côté latin de ce côté-là des Alpes et je l’avais déjà constaté la veille à Lugano et à de nombreuses autres reprises par le passé. Aux Vernets nous avons un public plus réservé, moins prompt à mettre la pression sur les arbitres ou les joueurs adverses. On en est capables, mais il en faut plus pour nous faire démarrer.

 

Si vous nous lisez régulièrement, vous aurez compris que l’on a beaucoup regretté ce que sont devenus nos derbys et on a aussi récemment noté que petit à petit, les choses se remettaient en place. Après avoir assisté à cet Ambri-Lugano, on serait tentés de dire qu’il ne manque pas grand-chose pour que l’on redevienne un derby au sens premier du terme.

 

Ce qu’il manque ? Trois choses à mon avis. Quelques joueurs à détester en face (ils ont pourtant de quoi faire), une ambiance « électrique » et que clubs mettent de l’huile sur le feu, de manière intelligente s’entend. Pour la deuxième, la configuration et l’acoustique des Vernets ne sont pas idéales pour y parvenir. La Valascia, la Resega ou Saint-Léonard (la BFC Arena, pardon) se prêtent bien plus à un embrasement général. Mais nul doute que si la première condition devait être remplie, on pourrait arriver à quelque chose de sympa. Il n’y a qu’à voir ce que sont devenus nos matchs contre Fribourg « grâce » à des joueurs comme Sprunger, Helbling ou Birbaum pour ne citer que les plus récents. Pour la troisième par contre, il y a du travail.

 

Tout ça nous donne-t-il la réponse à la question de base qui était « C’est quoi, un vrai derby » ? En partie, oui. Il s’agit d’un match où tous les critères sont réunis : géographiques, historiques, sportifs et humains. Tout ces ingrédients mélangés dans une grosse marmite ne peuvent que nous donner un résultat probant : un derby explosif et bouillant.